En finir avec la peine de mort par Mario Marazziti - Journée mondiale contre la peine de la mort par Thomas Yadan

Chez Abbé Gilles par divers moyens je cherche à défendre la vie, à encourager la foi chrétienne, à faire valoir la tradition catholique, à édifier le Mariage en son lien au Créateur, à encourager les familles et les individus, et à appuyer les disciples missionnaires de Jésus.  G.S.

----------------------------------------------------------------


En finir avec la peine de mort

https://www.lemonde.fr/idees/article/2007/02/02/en-finir-avec-la-peine-de-mort-par-mario-marazziti_862909_3232.html

par Mario Marazziti

La peine capitale est régulièrement appliquée dans 54 pays, il faut les convaincre d'y renoncer.

Penthotal, curare, chlorure de sodium. Je te fais asseoir, je te paralyse, je te congèle. Une mort sans douleur. Sans douleur ? La guillotine aussi devait "humaniser" la mort. Rapidité, précision. L'injection létale devait procurer, enfin, une mort propre. Indolore.

Pas comme le cyanure des chambres à gaz, avec sa mort lente par étouffement. Pas comme la lapidation, si archaïque et barbare, ou le peloton d'exécution, si imprécis. Pas comme la pendaison : la tête peut être arrachée, ou la mort plus lente. Tout cela paraît trop barbare, peu fiable. Pas comme la chaise électrique, qui fait parfois brûler la tête, ce qui n'est pas agréable à regarder. Les exécutions "s'humanisent" aussi pour ceux qui y assistent et pour ceux qui administrent la mort.

La première exécution par injection létale s'est déroulée au Texas en 1982. Carroll Pickett, un pasteur méthodiste, a accompagné les 95 premiers condamnés à mort. Il m'a raconté qu'on a fait des essais pendant un mois, qu'ils ont décidé de fixer le brancard au sol, s'étant aperçus que si le condamné se débat, il s'en va dans tous les sens. Et quelquefois l'aiguille sort de la veine : c'est la raison pour laquelle on utilise les deux bras. L'un des deux est en réserve. Puis, tout s'arrête. Il n'y a pas de réaction, parfois un demi-sourire, la respiration cesse. La réalité est tout autre. Une substance à base de curare paralyse les muscles, tandis qu'une autre congèle et détruit. Mais la sensibilité ne disparaît pas, seulement la possibilité de hurler et de se rebeller contre l'horreur. On a la sensation d'exploser de l'intérieur et on ne peut pas même crier. C'est ce qu'a expliqué le British Medical Journal.

John Paul Stevens, juge à la Cour suprême des États-unis, a déclaré qu'il est interdit de tuer de cette façon les chiens ou les chats. En Floride, un condamné a mis trente minutes à mourir. En 2001, ils avaient renoncé à utiliser la chaise électrique, parce qu'un condamné avait été carbonisé. Si ce procédé est le meilleur que le monde ait pu inventer pour donner une mort "propre", il y a quelque chose qui ne va pas. Et qu'il faut faire cesser immédiatement. Un moratoire universel des exécutions doit être introduit au plus vite. Vers l'abolition totale. Tel est le sens de la campagne menée par l'Italie, la France et l'Allemagne en faveur d'une résolution des Nations unies.

La majeure partie des exécutions dans le monde ont lieu en Chine, le reste étant réparti entre l'Irak, l'Arabie saoudite, Singapour, les États-unis, le Japon et l'Inde. Mais, désormais, 54 pays "seulement" continuent à l'appliquer régulièrement. Les abolitionnistes sont au nombre de 90, dont 40 le sont devenus dans les quinze dernières années, ce qui témoigne d'un changement culturel au niveau planétaire. Parmi eux, 54 pays sont abolitionnistes de fait ou ont proclamé un moratoire des exécutions, même si la peine de mort y est encore en vigueur.

Dans aucun pays où elle est appliquée la peine de mort n'a fait baisser le nombre de crimes graves, et aucune statistique n'indique qu'elle puisse avoir un effet dissuasif. On peut même citer le cas inverse, celui du Canada, où le taux de criminalité a baissé de plus de 20% depuis que la peine de mort a été abolie en 1976. Presque toujours, la peine de mort est une solution de type militaire pour régler des questions sociales qu'on est incapable d'affronter. Elle parle toujours aux instincts les plus bas de l'homme. Fonder son rejet ou sa nécessité sur des sondages d'opinion s'inscrit dans le droit-fil des pogroms et lynchages du passé: cela réduit les élus à un rôle d'enregistreurs et fait tomber le leadership, l'humanisme et la démocratie dans un populisme plébiscitaire.

La peine capitale entend lutter contre la mort, mais en réalité elle légitime au niveau le plus élevé, celui de l'État, et au nom de tous, le fait que la vie puisse être ôtée. Ainsi s'étend une culture de mort. Utilisée contre les opposants politiques ou religieux, les minorités sociales ou culturelles comme une solution de facilité pour l'opinion publique dans les pays autoritaires, elle n'est pas exempte de racisme et de discriminations dans les grandes démocraties : aux États-unis, les gens de couleur et les Latinos ont neuf fois plus de probabilités d'être exécutés qu'un Blanc issu d'un milieu aisé convaincu du même délit.

C'est une drôle de justice, dans laquelle les droits humains dépendent de la géographie. Aux États-unis, la moitié des exécutions sont concentrées au Texas, et la moitié de celles-ci dans le comté de Harris (Houston). La Bible Belt du Sud (ceinture biblique) comptabilise à elle seule presque toutes les exécutions capitales des États-unis. Et le taux de criminalité y est, lui aussi, trois fois plus élevé que dans les autres États d'Amérique. Le nombre d'erreurs judiciaires est bien plus élevé que les 124 détenus innocents remis en liberté après avoir passé trois ans dans le couloir de la mort.

Mes recherches personnelles et la correspondance avec plus de 2,000 détenus dans les couloirs de la mort m'ont amené à la conclusion que 13% à 15% des condamnés à mort américains sont innocents. Au Japon, la date de l'exécution n'est jamais communiquée aux familles, ni au condamné. Celle-ci peut avoir lieu après des mois, voire des années : chaque fois que la porte s'ouvre, cela peut être pour recevoir de la nourriture, du courrier, une punition, ou la mort. Aucune légitime défense de la société vis-à-vis des violents ne peut être invoquée lorsqu'on tue à froid, après des années, quelqu'un qui n'est plus en état de nuire.

Il y a une part de torture mentale qui est inéliminable dans toute condamnation à mort, parce qu'on meurt mentalement dix, cent, mille fois. Esclavage et torture sont considérés aujourd'hui comme des pratiques barbares, même si elles ont été jugées normales, et même nécessaires, durant des siècles. Une grande partie du monde considère aujourd'hui la peine de mort comme une pratique barbare. Le Tribunal pénal international ne l'applique plus, même pour les crimes contre l'humanité, et le troisième millénaire a besoin, au plus vite, d'un droit plus humain.

L'Europe est le premier continent au monde sans peine de mort. Certains soutiennent que c'est parce que c'est un continent sécularisé, désespéré, qui ne croit plus à la vie après la mort. C'est une observation qui n'a pas de sens. Après avoir vu trop de morts sur son sol, deux guerres mondiales, la Shoah, l'Europe s'est repensée, sans guerres offensives et sans peine de mort. Culture laïque et racines judéo-chrétiennes se sont rencontrées en une synthèse qui connaît la réhabilitation comme dimension fondamentale de la justice. C'est une différence de taille vis-à-vis des États-unis et de son appel à une justice "distributive" autant invoquée qu'inhumaine. Aucune exécution n'a jamais rendu la vie aux victimes ; au contraire, elle en a créé de nouvelles (y compris les familles des condamnés à mort, totalement ignorées). Loin de guérir les blessures des familles de ceux qui sont exécutés, on les congèle dans l'attente d'une guérison qui n'arrive jamais, figées dans la haine.

Les nations modernes doivent renoncer à la peine capitale pour ne pas rabaisser l'État au rang de ceux qui donnent la mort, jamais. Pour faire mieux que tous les Saddam Hussein, toujours. Une démocratie mûre découvre que la peine capitale humilie ceux qui la subissent, mais aussi ceux qui l'administrent. Elle récuse à la racine le principe sur lequel se fonde l'État moderne, le Léviathan de Hobbes, qui s'élève pour défendre la vie et empêcher la vengeance, la violence généralisée.

C'est le parcours biblique qui représente l'évolution de l'histoire humaine : il va de la vengeance disproportionnée à la vengeance égalitaire, et enfin à la protection de la vie de Caïn, à la découverte, dans le Livre de Job, que le souffle de la vie est entre les mains de Dieu, et pas de l'homme, et cela, dès avant le Nouveau Testament et l'amour chrétien pour les ennemis et les violents. C'est le parcours de l'illuministe Cesare Beccaria, qui conteste pour la première fois la peine de mort en 1764, ouvrant ainsi la voie à la première abolition de l'histoire de la part d'un État, le grand-duché de Toscane, le 30 novembre 1786. C'est pour toutes ces raisons qu'a été lancée l'initiative des Journées internationales des villes contre la peine de mort, partie de Rome et de Toscane, et devenue un mouvement mondial qui regroupe déjà six cents villes du monde.

L'engagement diplomatique et culturel de ces prochains mois, en premier lieu pour l'Italie et la France, est de se donner pour objectif une résolution des Nations unies coparrainée par l'UE et par des pays-clés du Sud, tels que l'Afrique du Sud, le Mozambique, le Sénégal, le Liberia, le Brésil, le Mexique, le Chili, le Cambodge, les Philippines..., et pouvant inclure peut-être aussi la Tunisie, le Maroc, l'Algérie, et Taïwan, pays abolitionnistes "de fait". Il faut éviter qu'un sentiment anti-européen et anticolonialiste puisse être utilisé de manière biaisée et paralysante. Avec de telles prémisses, on peut vraiment gagner.

Mario Marazziti est le porte-parole de la Communauté de Sant’Egidio et cofondateur de la Coalition mondiale contre la peine de mort. 

Point de vue publié par le quotidien Le Monde, Paris, 3 février 2007.

https://www.lemonde.fr/idees/article/2007/02/02/en-finir-avec-la-peine-de-mort-par-mario-marazziti_862909_3232.html

 -----------------------------------------------------

JOURNEE MONDIALE CONTRE LA PEINE DE MORT POUR UNE JUSTICE SANS BOURREAU

http://evene.lefigaro.fr/celebre/actualite/journee-mondiale-peine-de-mort-badinter-994.php

Thomas Yadan pour Evene.fr - Octobre 2007 - Le 10/10/2007

JOURNEE MONDIALE CONTRE LA PEINE DE MORT

Le 10 octobre 2007 est organisée, à l’appel de nombreuses organisations abolitionnistes, la 5e Journée mondiale contre la peine de mort. L’occasion de dénoncer la persistance d’un châtiment illégitime et barbare pratiqué dans de nombreuses régions du monde.

Aujourd’hui encore, raisonnent ces mots si éclairés de Robert Badinter : “Après 1981, le combat pour l’abolition, gagné en France, pour moi n’était pas achevé, tant s’en faut. Le refus d’une justice qui tue est un principe universel, comme les droits de l’homme […] Elle ne connaît pas de frontières et doit se poursuivre inlassablement jusqu’à ce que le dernier état qui pratiquerait encore la peine capitale y ait renoncé” (1). Une manière de signifier le caractère extranational de l’abolition. Une manière de préconiser la vigilance et la lucidité car la peine de mort s’exerce toujours dans beaucoup de pays démocratiques, ou non. C’est ce combat que mène, depuis 2002, la Coalition mondiale contre la peine de mort, organisatrice de ces journées de célébration et d’information.

Mobilisation universelle

Parti d’un mouvement citoyen et militant, le 1er Congrès mondial contre la peine de mort a réuni, les 21, 22 et 23 juin 2001 à Strasbourg, plus d’un millier de personnes afin de définir un plan de lutte contre la peine capitale. Un an plus tard, c’est à Rome que les signataires ont fondé la Coalition sous l’autorité légale d’une charte de fonctionnement. Regroupant des ONG (Amnesty internationale, ligue des droits de l’homme, etc.), des syndicats, des juristes, des enseignants, des chercheurs et des associations religieuses ou laïques, la Coalition tente de faire pression sur les Etats et les institutions mondiales (ONU, parlement européen, etc.) contre les gouvernements rétentionnistes.

En 2003 a été organisée la première Journée mondiale contre la peine de mort avec le soutien de nombreux pays tels que la France, le Canada, l’Italie, la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples et l'Union européenne. Depuis, les initiatives se succèdent et les actions semblent de plus en plus effectives. Le dernier congrès en date a eu lieu à Paris, en février.

Edition 2007

Cette année, en plus des manifestations, conférences, débats, colloques, lobbying, information, etc., il s’agit d’inciter, grâce à une pétition (déjà cinq millions de signatures), l’assemblée générale de l’ONU à adopter un moratoire mondial sur la peine de mort. De Rabat à Porto Rico en passant par Kinshasa, de nombreuses rencontres sont prévues. Le mouvement abolitionniste a déjà organisé une conférence de presse en présence de la Coalition arabe contre la peine de mort, mardi dernier, et une autre, le 4 octobre, avec la Coalition caribéenne. L’Afrique sera également concernée, sans oublier les Etats-Unis où, à New York (siège des Nations Unis), les acteurs et réalisateurs Tim Robbins et Mike Farrell réaffirmeront leur opposition à la peine capitale.Journée mondiale pour l’abolition de la peine  de mort :

Comme tous les ans, cette journée est aussi l’occasion de faire des constats,, évaluer la progression ou la régression du nombre de condamnations, réfléchir sur les causes de la persistance de la peine de la peine de mort et dénoncer l’atrocité des méthodes d’exécution.

Le constat

Il est évident que le constat reste accablant et qu’il oblige à persévérer. Si 133 pays ont aboli la peine de mort légalement ou en fait, il reste 64 pays qui la maintiennent, avec 1591 exécutions et 3,861 condamnations pour l’année 2006.  La réalité serait malheureusement plus dramatique puisque supérieure aux chiffres officiels. Ainsi, une estimation mondiale évalue le nombre de prisonniers en attente de la peine capitale entre 19.185 et 24.646 en 2006. La Chine, l’Irak, le Pakistan, le Soudan, l’Iran et les États-unis représentent à eux seuls 91% des condamnations. De même, les méthodes d’exécution varient selon les pays concernés. En 2007 sont encore pratiqués la décapitation, l’électrocution, la lapidation, l’injection létale, le fusil ou la pendaison… 

Des justifications multiples

La difficulté réside également dans la complexité des raisons de la pratique de la peine de mort. Si la Cour suprême des États-unis avait déclaré en 1972 la peine de mort comme contraire à la Constitution, un retour à l’ordre et une augmentation des crimes l’ont incitée à modifier sa jurisprudence.   Or, pour une démocratie, une telle pratique devient d’autant plus grave qu’elle destitue la justice de sa dignité et de sa légitimité en faisant abstraction des inégalités sociales et de l’absoluité de la personne humaine.

Les États islamistes (Arabie saoudite, Iran, etc.) qui pratiquent la peine de mort font, quant à eux, reposer le maintien de la condamnation sur le respect de la loi divine. Ce n’est donc plus le pragmatisme ou le réalisme mais une certaine interprétation de la morale qui rentre en jeu. Il est en effet difficile de dénoncer un acte barbare sans entendre au loin les injonctions différentialistes critiquant les ingérences culturelles occidentales ?  Mais encore une fois, pour les abolitionnistes, l’argument ne tient pas si l’on considère que le caractère sacré de l’homme transcende les terres et les drapeaux. Dans ce contexte, l’universalisme des droits de l’homme ne pourrait apparaître, selon eux, comme une forme implicite d’impérialisme. 

Lutter pour le droit à la vie

Mais plus qu’un combat de droit, l’abolition engage l’humanité de l’homme, son caractère sacré. Et la peine de mort est l’expression de cette défaite de l’homme, de la transgression d’une éthique basée sur la vie. De même pour les abolitionnistes, la justice ne doit pas fonder ses principes sur des inclinations, des ressentiments ou un rapport comptable de créanciers et débiteurs (Nietzsche).  Son projet est de briser l’enchaînement de violence afin de transformer la colère et la vengeance en une sanction et une réparation dignes. Car, comme le notait Badinter, “La mission de la justice n’est pas seulement répressive. Dans ses décisions s’inscrivent les valeurs morales essentielles d’une société”  qui sont essentiellement le droit à la vie comme corollaire de l’universalité des droits de l’Homme. 

 En clair, la justice ne doit pas être l’expression de la volonté de vengeance, de la vindicte populaire ou le moyen ultime de répression. Elle n’est pas non plus l’interprétation erronée de la loi du talion. Car à ceux qui voient encore aujourd’hui dans le proverbe “oeil pour oeil, dent pour dent” un appel explicite à la violence et au meurtre, Levinas répondait avec subtilité : “Le principe d’apparence si cruel que la Bible énonce ne recherche que la justice.

 Il s’insère dans un ordre social où la sanction si légère soit-elle ne s’inflige en dehors d’une sentence juridique [..] l’humanité naît dans l’homme à mesure qu’il sait réduire les offenses mortelles à des litiges d’ordre civil, à mesure que punir se ramène à réparer ce qui est réparable et à rééduquer le méchant. Il ne faut pas une justice sans passion seulement. Il nous faut une justice sans bourreau.” 

Thomas Yadan pour Evene.fr - Octobre 2007


----------------------------------------------------------------

Chez Abbé Gilles par divers moyens je cherche à défendre la vie, à encourager la foi chrétienne, à faire valoir la tradition catholique, à édifier le Mariage en son lien au Créateur, à encourager les familles et les individus, et à appuyer les disciples missionnaires de Jésus.  G.S.

----------------------------------------------------------------

© 2004-2021 All rights reserved Fr. Gilles Surprenant, Associate Priest of Madonna House Apostolate & Poustinik, Montreal  QC
© 2004-2021 Tous droits réservés Abbé Gilles Surprenant, Prêtre Associé de Madonna House Apostolate & Poustinik, Montréal QC
 

+ + + + + + + + + + + +